Pourquoi avoir créé l’AJFE ?
Créée fin 1999, AJFE (Alsace-Junge fers Elsassische) est l’association des jeunes pour l’alsacien.
Elle est bien entendu ouverte à tous les jeunes et étudiants, alsaciens ou non, dialectophones ou non.
L’alsacien est souvent assimilé à un dialecte ancré dans l’univers agricole du 19ème siècle, un dialecte aujourd’hui juste destiné au 3ème âge. Il se limiterait à l’évocation nostalgique d’un passé révolu mais idéalisé (sortez les mouchoirs).
Si l’alsacien veut survivre, il doit évoluer, enrichir son vocabulaire et voir son image se moderniser. L’alsacien doit pouvoir être utilisé en matière de télécommunications, de technologie ou avec internet… Cette évolution implique aussi de pouvoir écrire en alsacien et d’accorder à cette langue un statut officiel. Plutôt que de s’accrocher à l’alsacien de hier, préparons celui de demain.
Notre objectif : contribuer à la renaissance de la langue alsacienne, de sa culture et de son enseignement. La promotion de l’alsacien oral et écrit (avec sa propre graphie !) passe aussi pour nous par son renouvellement, une langue vivante évolue constamment !
Ce patrimoine linguistique est une réponse à la standardisation toujours plus grande d’une culture qui se mondialise. L’alsacien est un atout économique vital au coeur de l’Europe et du Rhin Supérieur, une alternative à un repli sur soi monolingue…
La promotion du bilinguisme français – allemand n’est pas le but premier de l’association : d’autres structures sont déjà très actives dans ce domaine. AJFE est membre du Comité fédéral des associations pour l’alsacien.
Pour les mêmes raisons qui poussent certains à défendre le français par rapport à l’anglais ! La promotion de l’alsacien est nécessaire au maintien d’une culture et d’une langue multiséculaire : théâtre, littérature, patrimoine, gastronomie, poésie, prose…Perdre son identité et sa culture, c’est perdre son âme pour tomber à long terme dans une monoculture mondiale réduite au plus petit dénominateur commun, coca-hamburger-levi’s. Personne n’imagine la France sans la langue française, ni Molière ou Racine…Peut-on imaginer l’Alsace sans l’alsacien ?
L’alsacien, c’est aussi une nécessité économique. Pourquoi l’Alsace a-t-elle pendant longtemps été préservée du chômage ? Grâce à son identité d’abord ! Près de 70 000 Alsaciens travaillent en Suisse et en Allemagne, des dizaines de milliers d’autres travaillent pour des entreprises appartenant ou travaillant avec des groupes germanophones. Une Alsace monolingue serait une Alsace pauvre.
Monolingue, l’Alsace risque de se transformer en finistère de la France…avec l’océan en moins. Dans un rayon de 250 km autour de Strasbourg vivent 25 millions de germanophones et seulement 6 millions de francophones.
Dans un rayon de 500 km se trouvent la quasi-totalité des centres économiques allemands ; côté français, de simples villes régionales comme Nancy ou Reims.
Plurilingue, l’Alsace est au coeur de l’Europe : pour profiter pleinement des échanges culturels, de la croissance, de l’emploi !
Sacrifier les langues régionales pour préserver une langue nationale en danger serait un non-sens : le Français n’est pas menacé par l’Alsacien, ce serait plutôt l’inverse ! Le Français ne peut prétendre à une « exception culturelle » contre les langues plus fortes qu’elles, pour ensuite refuser cette même exception aux langues moins pratiquées.
Une Alsace exclusivement bilingue français / allemand, c’est illusoire. L’allemand a été traditionnellement le versant écrit de la langue régionale orale, l’alsacien ; ce n’est pas suffisant pour réduire la langue et la culture alsacienne à cet allemand écrit. L’identité alsacienne plonge ses racines dans l’alsacien bien avant l’allemand standard.
Cet allemand standard, ou Hochdeutsch, codifié au XVIème siècle, est d’ailleurs une version écrite de dialectes allemands. Encore aujourd’hui, les dialectes sont d’usage courant en Allemagne et complémentaires à la langue standard. L’allemand se nourrit justement de cette imbrication d’une langue standard et de dialectes : les idiomes s’enrichissent et se développent mutuellement.
Couper l’allemand standard de ses racines, c’est le condamner à dépérir. De la pratique de l’alsacien, langue maternelle, découle naturellement celle de l’allemand. L’alsacien bilingue dès son plus jeune âge sera facilement multilingue par la suite, ce qui facilite aussi l’apprentissage d’autres langues. L’allemand appris par un francophone pur, et sur le tard, risque souvent de rester une langue étrangère bien difficile
L’exemple luxembourgeois est probant : cette seule région bilingue français / allemand s’appuie sur son dialecte germanique, le « Letzebuergisch ». De la pratique de cet idiome découle naturellement celle de l’allemand. Les Luxembourgeois sont couramment trilingues, sans avoir pour autant été traumatisés par leur éducation. Combien de francophones sont dans ce cas ?
900 000 dialectophones, quel superbe patrimoine ! La pratique de l’alsacien s’effrite au fil des ans, mais le nombre de ses locuteurs reste encore élevé : près de 60 % de la population alsacienne. L’alsacien ne rencontre plus d’opposition majeure et son image s’améliore. Les sondages montrent de façon régulière que l’immense majorité des Alsaciens lui est favorable.
Alors pourquoi ce paradoxe : tout le monde pour l’alsacien et tout le monde convaincu de sa disparition prochaine ?
L’alsacien commence à revenir de loin : persécuté dans l’après-guerre, l’alsacien était considéré comme une langue de l’ennemi, facteur de sous-développement intellectuel…Cette phase de racisme a laissé des traces, certains locuteurs un peu masochistes sont toujours convaincus de l’inutilité de leur langue maternelle. Mais pourquoi le déclin de l’alsacien serait-il inéluctable ? Ce fatalisme disparaîtra lorsque les Alsaciens se décideront enfin à assumer leur langue et leur culture.